Justice : Xavier de Rosnay, Gaspard Augé, une croix, 3 albums studios, 3 albums live et déjà 10 ans de carrière. Voilà ce qui a fallu à Justice pour devenir un groupe incontournable de la scène électronique mondiale. Bien plus qu’une machine à broyer lors de live démentiels, Justice c’est avant tout une quête vers la lumière. Mais laquelle ? Alors après une décennie d’existence il est temps de rembobiner leur carrière et d’éclairer les raisons qui font de Justice un groupe unique en son genre.
A cette fin, cette rétrospective ne s’intéressera pas à leur biographie mais à leur production musicale et sera donc composé de 3 parties, chaque partie étant composée de l’album studio et de son album live.
† (Cross) : Le Big Bang

C’est le 11 Juin 2007 que sort « le premier album » comme le duo l’appelle. Vendu à 620 678 exemplaires, Xavier et Gaspard ont, sans vraiment s’en être rendus compte, frappé très fort.
En effet, le duo français propose un album électro aux fortes influences heavy metal le tout saupoudré d’une disco grondante à souhait. L’héritage de justice commence dès la première chanson : Genesis
Le ton est donné: sonorité sombre, saturée, utilisation des cuivres contrebalancé par un son épuré et électro, franc, net, brut. Genesis est le reflet parfait d’un groupe qui a décidé de briser les codes et casser la monotonie qui s’était installée dans le monde de la musique électronique après l’album « Human After All » de Daft Punk sorti en 2005.
Alors que la tendance était à l’époque aux sons harmonisés et aux sets bien rodés, Justice fait le choix de proposer de la musique à vif. Cross est un album où l’espace est sombre mais où la lumière perce. Une image rappelant l’artwork de leur premier album : une croix noire cernée de lumière jaune perdue dans le vide intersidéral en hommage direct à l’album « Electric Warrior » de T.Rex.
Mais quelle est la lumière dans Justice ? Et bien il s’agira de la Disco ! voilà le MacGuffin de Justice et alors son objectif : une recherche de la lumière. Et quoi de mieux quand on cherche la lumière que de commencer par trouver l’obscurité ? Dans ce premier album la basse devient l’instrument et le socle porteur de cette lumière et lorsque « Let There Be light » entre en jeu, la basse jazzy, en s’émancipant des autres sonorités pures et filtrées de la piste, nous annonce déjà le tube électro-disco planétaire D.A.N.C.E.
D.A.N.C.E devient avec la sortie de l’album la clef de voûte du groupe. Le tube écouté et vendu partout à travers le monde annonce en grande pompe la quête du duo (même si accompagné d’un Clip tourné avec 35 euros de budget par SoMe, leur talentueux ami graphiste qu’on ne présente plus). D.A.N.C.E rallie les gens, et il n’est pas anodin que la plupart des paroles soient des références directes à des titres de Michael Jackson « the king of pop« . Car qui de mieux pour annoncer au monde la quête de la lumière que celui qui a brillé sur scène plus que n’importe qui ?
Comme pour la pochette, Justice aime le rapport entre image et son, une synergie qui s’explique par leur études de graphistes et qui se concrétise par leur clips et leurs visuels live. Il y a dans le groupe un goût prononcé pour une certaine grandiloquence, un certain sens du drame qui apparaît au demeurant au fur et à mesure que l’album défile.

A l’écoute, le disque donne l’impression d’assister à un combat avec d’un coté une musique gothique, filtrée, brute et saturée, et de l’autre une musique groovie, éclairée, funk et énergisante. Chaque camp à d’ailleurs son porte étendard qui s’oppose littéralement dans la tracklist.

Ainsi, « Stress » devient l’hymne d’une musique violente, torturée et déshumanisée mis en image par un Clip ultra-violent qui créera la polémique. Tandis que « D.V.N.O » (à prononcer divihaineoh) clame au plus haut les valeurs de la pop, des 70’s, de la dance et accompagné d’un clip coloré et fun, le titre veut jusque dans son nom, renvoyer l’image des boites de nuits un peu kitsch de bords de mer.
Cependant, un combat ne peut durer éternellement et tandis que « One minute to midnight« , la dernière piste du disque, s’enclenche, Justice achève sa recherche avec une conclusion simple : l’harmonie. L’harmonie avec l’obscurité est la seule issue pour trouver la lumière car il est d’adage que sans obscurité il n’y a pas de lumière. On assiste alors à l’assemblage de beats, motifs et phrases jusque lors distinctes et distantes, jusqu’à atteindre une véritable cohésion.
« † » est au final un album binaire, la recette est simple mais diablement neuve et bien exécutée. Avec une identité visuelle et sonore unique, Justice a créé un album intemporel et indémodable. Il s’agit du fruit de la fougue de deux jeunes dont les premiers mots ont été WE ARE YOUR FRIENDS !
Mais la quête ne s’arrête pas là pour Justice car bien que la conclusion soit satisfaisante, bien malheureux sera celui qui mettra une étiquette sur leur musique. En effet, Le groupe va entrer un peu plus dans la légende en proposant une tournée live qui marquera les esprits. Cette volonté de transgresser les codes va se concrétiser sur « A Cross The Universe » premier album live du groupe. Un album qui a la différence de tout autre albums live doit être considéré comme un album fondamental pour comprendre pourquoi Justice est un groupe unique et talentueux.
A Cross The Universe : L’expansion

Sorti le 24 novembre 2008, « A Cross The universe » est la captation live de leur performance scénique au Concourse Exhibition Center de San Francisco. Le disque est à sa sortie accompagné d’un documentaire éponyme mélangeant fiction et images d’archives qui viennent retracer la tournée Nord Américaine du Groupe. Mais il n’est pas question de s’attarder sur ce dernier tant qu’il peut être résumé à : fêtes, alcools, filles, concerts et on recommence. Néanmoins, il reste un bon médium pour ressentir la démesure du live de justice et palper l’embrun de folie qui parcours l’album.
Alors que Cross était une bombe électro, A cross the Universe est un album rock. Justice sort pendant les 18 morceaux du set, l’artillerie lourde. Ils ne sont pas venus faire un énième live lissé à coup de Ableton Live (un logiciel de composition et d’arrangement musical automatique) : ils veulent marquer le monde.
Cette volonté de laisser leur empreinte vient des prémices mêmes du groupe. La croix christique présente sur toutes leurs pochettes, vient d’une volonté d’avoir un symbole reconnaissable par tous tandis que le nom de Justice est une volonté d’assumer leurs origines française mais également compréhensible par tous.

Ainsi, pendant 18 morceaux Gaspard et Xavier vont déconstruire et reconstruire leur premier album et nous font comprendre que Justice n’est pas qu’un groupe électro, sa base c’est le rock, et l’analogique. Cette déconstruction passe notamment les titres des morceaux légèrement modifiés. Ainsi, « One minute to midnight » devient « Two Minutes to Midnight » une référence directe au titre d’Iron Maiden. De ce fait, alors que l’album studio se contentait de glisser des références, l’album live les assume pleinement. La reconstruction rock de l’album studio s’exauce dans des Kicks explosifs et secs, les hi-hats deviennent ultra saturés et appuyés, la disto est gonflée à bloc et le gain omniprésent. Même sur la construction du live, Justice s’éloigne des préceptes qui dominaient la scène électro jusqu’alors et propose dans son live des coupures, des blancs comme si ils devaient changer d’instruments. Cette teneur rock passe également par l’ajout de parties dans les titres ainsi « Phantom » est scindé en 3 parties distinctes tandis que « D.A.N.C.E » est scindé en deux. Un séquençage qui est à l’image des titres de rock progressifs comme « shine on your crazy diamond » des Pink Floyd. En bref, « A Cross the Universe » est un album viscéral. Le duo français aura fait revivre le rock le temps d’une tournée et montre que le rock n’est pas qu’une question d’instrument mais d’état d’esprit.
Cet album est d’une importance capitale dans l’évolution musicale de Justice. Tout d’abord parce qu’il préfigure l’orientation musicale du prochain album « Audio, Video, Disco » mais aussi parce qu’il révèle la capacité de Justice à tirer le meilleur parti de leurs chansons. Qui aurait pu imaginer une telle hargne en écoutant la version studio de « Let There Be lite » ou de « Tthhee Ppaarrttyy » ? et pourtant la nouvelle tournure donnée aux titres du premier album leurs corresponds parfaitement. Pendant une heure, Justice mélange ses titres avec leurs propres influences musicales et n’hésite pas à reprendre des chansons de d’autres DJ comme le « NY Excuse » de Soulwax.

En effet, l’album est un véritable sandwich d’influences rock puisque le titre même du live est une référence directe au titre « Across the Universe » du premier album des Beatles tandis que le final est lui une reprise hyperviolente de Master of Puppets de Metallica, une chanson tirée de leur album éponyme dont la pochette est couverte de …. croix chrétiennes ! Ça ne s’invente pas.
Avec ce premier album live les deux français nous donnent le sentiment que le live, bien qu’imparfait au niveau des transitions et des enchaînements, sert d’exutoire personnel aux Justice et nous font alors une promesse : « Nous sommes sur la bonne voie ».
Mais quelle voie le groupe a-t-il emprunté ? L’harmonie synthétisée qui avait conclu le premier album studio ou la violence analogique omniprésente du premier album live ?Réponse dans la prochaine partie de cette rétrospective qui s’intéressera à l’album studio AUDIO VIDEO DISCO et son album live ALL ACCESS ARENAS.